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13.04.2022
L'audience dans un procès civil - différences procédurales entre l’Allemagne et la France
En tant qu'avocat, je travaille porte à porte avec mon Confrère français Benoît Laurin. Nous échangeons régulièrement, ce qui nous permet toujours de découvrir des différences intéressantes entre les deux procédures civiles. L'une des premières différences notables - dont nous avons tous deux fait l'expérience - concerne le caractère oral de la procédure devant le tribunal. Comment une audience judiciaire se déroule-t-elle en Allemagne ? Le ou la président(e) déclare l'audience ouverte, en appelant l'affaire et en constatant la présence des parties et/ou de leurs avocats. Il résume ensuite brièvement les faits litigieux et les positions juridiques respectives des parties. A ce stade, le déroulement de l’audience dépend beaucoup du tempérament du juge, s’il dévoile déjà sa première appréciation sur le litige ou s’il s'en abstient délibérément. En effet, l'un des principes essentiels de la procédure civile allemande est que les juges doivent s'efforcer de rechercher un accord à l'amiable et ce, à chaque étape de la procédure. Si le juge donne trop rapidement son avis sur l’affaire, cela le conduit indirectement à indiquer laquelle des parties a les meilleures chances de remporter le procès. Et qui serait alors prêt à proposer des concessions s'il peut s’imaginer être sur la voie du succès ? Et en procédant ainsi, le juge peut ruiner ses propres efforts pour parvenir à un accord. Dans l'étape suivante, le juge donne aux avocats des deux parties la possibilité d'exposer leur point de vue et leurs arguments juridiques. C'est ce que font les avocats, mais contrairement à ce que l’on constate en France, il ne s'agit pas d'une plaidoirie classique, mais d'un bref résumé de leur position juridique dans un esprit de liberté de parole. A noter toutefois que la procédure devant le Tribunal de commerce de Paris se rapproche de la procédure allemande lorsque les parties sont convoquées devant un juge rapporteur. Une fois que les deux parties ont présenté leur point de vue, commence ce qui était encore inimaginable dans une audience française il n'y a pas si longtemps. Une discussion s'engage sur les questions de fait et de droit, à laquelle participent aussi bien le juge que les avocats. Mon Confrère Benoît Laurin reste toujours surpris de voir à quel point la discussion est ouverte et intense. Il s'agit en quelque sorte d'un débat entre les avocats, auquel le juge participe également, dans une certaine mesure. Pour ma part, je peux dire que lors de toutes les audiences judiciaires, j'ai toujours eu des discussions juridiques avec les juges, parfois modérées et parfois plus vives, lorsque j'avais l'impression de ne pas être entendu comme je le souhaitais. Dans tous les cas, les discussions se déroulent avec un niveau de technicité juridique relativement élevé. Après cet échange, le juge interroge les parties si un règlement à l'amiable est envisageable par le biais de la conclusion d'une transaction. Dans la mesure où aucune des parties ne peut être sûre à ce stade de ses perspectives de succès, les deux parties étant encore dans l'incertitude, des négociations commencent en vue d’une conciliation. La condition préalable est toutefois que les deux parties soient disposées à conclure un accord. En cas de refus par l’une des parties, ces négociations de conciliation ne présentent aucun intérêt. Le juge joue également un rôle actif et participatif dans ces négociations de conciliation. Si un accord est conclu après de dures négociations, le juge dicte le texte de l'accord dans un procès-verbal, le relit et le soumet aux parties, pour accord. Si aucun accord n'est conclu, le juge le consigne dans le procès-verbal et fixe en règle générale une date de délibéré (jugement, ordonnance de production de preuves, ordonnance de fixation des dépens). Voici donc un résumé de la manière dont se déroule une audience en Allemagne. Quelle est maintenant la différence essentielle avec une audience devant un tribunal français ? J'ai vécu cela pour la première fois en tant que jeune avocat à Paris et avais été quelque peu surpris. En effet, à l'époque et encore aujourd'hui, les avocats plaident sur les éléments de faits et de droit du litige. Ils auront constitué avant le début de l'audience un dossier dit de plaidoirie, contenant leurs conclusions, les conclusions adverses et les pièces produites, ou invoquées dans la procédure. Ce dossier de plaidoirie est remis au greffier en fin d’audience. Il n'y a donc pas de débat entre les avocats et encore moins avec la participation active du tribunal, lequel peut tout au plus poser quelques questions. Il n’est ainsi pas possible à un avocat ayant plaidé de répliquer après la plaidoirie de son adversaire. Le tribunal se garde bien d'exprimer sa propre opinion. Le débat s’effectue en fait par écrit lors de l’échange des conclusions entre avocats (conclusions en réplique). Il est donc difficile pour un avocat français - contrairement aux avocats allemands - de pressentir l'avis du tribunal, tout au plus d’avoir une vague impression d’audience. Le jugement peut ainsi constituer une surprise pour les deux parties. Néanmoins, selon mon Confrère, on peut constater une évolution vers un style de discussion plus ouvert, en particulier devant certains tribunaux de commerce comme à Paris, lorsque l’affaire est débattue devant un juge unique rapporteur. En résumé, on peut dire que les procédures judiciaires en France et en Allemagne sont très différentes. L'avantage du point de vue allemand est que la discussion des éléments de fait et de droit est plus ouverte en Allemagne et que les deux parties perçoivent assez rapidement au cours de l'audience où elles en sont et quelles sont leurs chances de succès. L'inconvénient pourra être qu'un juge qui a déjà communiqué tôt son point de vue ne pourra plus vraiment changer d'avis, ce qui reste cependant rare au cours des débats. Cela s'explique en partie par le fait que personne n'aime admettre qu'il s'est trompé, ce qui pourrait être interprété comme une faiblesse. L'avantage de la procédure française est que le tribunal ne s'engage pas de manière publique et qu'il peut donc plus facilement changer d'opinion, sans que cela soit interprété comme une faiblesse. Mais l'inconvénient est que la décision peut être une vraie surprise et que la partie perdante n'a pas la possibilité de réagir au cours de l’audience et d'adapter son argumentation ou d'améliorer sa présentation. Personnellement, je suis "étranger" au système français parce qu'il me semble peu transparent. Je ne sais pas à quoi m'en tenir et ne peux pas m'adapter. Le système procédural allemand me met généralement à l'abri des décisions surprise. La plupart du temps, le tribunal donne des indications à l'avance et j'ai la possibilité de réagir à ces indications (obligation d'information et d'explication du tribunal). En droit procédural allemand, la violation de l'obligation d'information et d'explication est un motif d'appel ou de cassation. Nous y reviendrons ultérieurement dans un article à venir. Gerhard Greiner
Avocat
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